Les moyens de lutter contre le blanchiment d'argent : Un dispositif international et national coordonné
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Le Groupe d’action financière (GAFI) et le Code pénal de chaque pays définissent les actions à l’origine de l’argent sale ou finance noire et des infractions financières. Créé à l’initiative du G7 en 1989, le GAFI a pour mission de proposer une solution internationale au problème du blanchiment d’argent et du financement du terrorisme.
L’organisme collabore avec des instances et organisations internationales comme le FMI, Interpol, la Banque centrale européenne ou encore l’OCDE. En France, le ministère de l’Économie et des Finances a mis en place dès 1990 le dispositif Tracfin, qui oblige les établissements financiers et autres professionnels concernés à déclarer tout mouvement suspect.
Mesures préventives en France et en Europe
Pour prévenir le blanchiment, plusieurs dispositifs sont en vigueur :
Plafonds de paiement en espèces : 1 000 € pour les paiements à des professionnels, 1 500 € pour un salaire et 10 000 € pour un achat immobilier.
Déclaration obligatoire aux douanes de tout transfert d’espèces au-delà de 10 000 €.
Pour les transferts de plus de 50 000 € en provenance ou à destination de l’UE, des justificatifs sont exigés (contrat de vente, gains de jeux, attestations bancaires, etc.).
En cas de condamnation, le blanchiment d’argent peut entraîner jusqu’à 375 000 € d’amende et 5 ans d’emprisonnement, des peines doublées pour les cas aggravés. Des dispositifs similaires existent aux États-Unis (OFAC), en Suisse (CDB), à Monaco (Siccfin), et ailleurs, car la lutte contre ce phénomène est collective et mondiale.
Les impacts du blanchiment d’argent
Le blanchiment alimente la corruption, fragilise la confiance dans les institutions et menace la stabilité des systèmes financiers. La mondialisation des marchés, le commerce électronique et les produits financiers innovants ont favorisé l’expansion de techniques de dissimulation sophistiquées.
Actualisations 2023–2024 : nouvelles tendances du blanchiment
Les deux dernières années ont vu émerger de nouveaux défis :
Crypto-actifs : malgré les efforts de régulation, de nombreuses plateformes d’échange de cryptomonnaies sont encore utilisées pour recycler des fonds criminels.
Blanchiment via l’immobilier de luxe : plusieurs enquêtes internationales (dont en France, à Dubaï et en Espagne) ont révélé des flux massifs liés à la corruption et au trafic de stupéfiants.
Cybercriminalité : l’essor des rançongiciels (ransomwares) a généré des revenus illicites considérables, ensuite blanchis via des monnaies virtuelles.
GAFI 2023–2024 : l’organisation a renforcé ses normes, notamment sur la transparence des bénéficiaires effectifs et l’obligation pour les États d’identifier les personnes qui contrôlent réellement les sociétés-écrans.
Satisfaction et attentes de l’OMSAC
L’OMSAC salue les efforts et avancées réalisés par le GAFI, qui ont permis de renforcer la coopération internationale et de mieux identifier les risques émergents. Cependant, nous soulignons que la lutte ne peut être efficace sans une mobilisation accrue de la société civile. Les ONG, associations et experts indépendants disposent d’un potentiel considérable, notamment en matière informationnelle et préventive, mais restent encore trop souvent marginalisés dans les politiques publiques.
Nous appelons donc à une plus grande intégration des savoirs et initiatives citoyennes pour compléter l’action des États et des institutions internationales.
Contestations historiques du GAFI
Pakistan (2010–2022)
Longtemps sur la “grey list” pour laxisme présumé contre le financement du terrorisme, le Pakistan a régulièrement dénoncé une instrumentalisation politique. Islamabad estimait que cette inscription nuisait à son économie et à sa réputation.
Iran & Corée du Nord
Ces deux pays, toujours sur la liste noire, considèrent les sanctions du GAFI comme une ingérence occidentale davantage politique que technique.
Turquie (2021–2024)
Placée sur la “grey list” en 2021, Ankara a critiqué une décision jugée injuste, affirmant avoir entrepris des réformes. Elle n’a été retirée de la liste qu’en 2024, après une série de mesures correctives.
Afrique du Sud (2023)
L’inscription sur la “grey list” a suscité un vif débat interne. Plusieurs responsables ont dénoncé un traitement inéquitable, estimant que les réformes déjà entreprises n’étaient pas reconnues.
Impact de ces contestations
Crédibilité internationale : lorsque des pays majeurs (Russie, Chine, Turquie, Émirats…) contestent les décisions du GAFI, cela fragilise l’universalité de ses normes.
Dimension géopolitique : certains considèrent les listes grise et noire comme influencées par des rapports de force diplomatiques.
Coopération entravée : la contestation peut réduire la coopération de certains États, freinant l’efficacité globale.
Effet paradoxal : dans d’autres cas, l’inscription pousse à accélérer les réformes (ex. Pakistan en 2022).
Face aux recommandations du GAFI : les pays coopératifs
À l’inverse des pays contestataires, certains États ne rejettent pas les évaluations du GAFI. Malgré leurs réserves concernant leur inscription sur la liste grise (surveillance accrue), ils reconnaissent leurs manquements et s’engagent à les corriger. C’est le cas de l’Algérie, de l’Angola, de la Côte d’Ivoire et du Liban.
Ces pays se sont engagés à combler leurs lacunes stratégiques en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.
Parmi eux, l’Algérie se distingue par sa coopération particulièrement active.
L’Algérie : un exemple de collaboration proactive
Dès son inscription sur la liste grise en 2024, l’Algérie a adopté un plan d’action ambitieux, réduisant le nombre de recommandations du GAFI à traiter de 74 à seulement 13 en moins d’un an.
Les efforts portent notamment sur :
la vigilance sur les bénéficiaires effectifs,
le renforcement des contrôles fondés sur les risques,
le durcissement des sanctions financières ciblées.
La Loi de finances 2025 interdit certaines transactions en espèces (immobilier, véhicules, bateaux, etc.), s’alignant sur les standards internationaux.
Les autorités, notamment la COSOB, appellent publiquement les professionnels du secteur financier et boursier (banques, intermédiaires, plateformes de crowdfunding) à se conformer strictement aux nouvelles exigences.
L’Algérie adopte ainsi une posture constructive et coopérative, en contraste avec certains pays contestataires, et démontre une volonté claire de se mettre en conformité.
Conclusion
Malgré les réalisations, les initiatives et la bonne volonté affichée, il reste encore un long chemin à parcourir. Le plus grand danger provient paradoxalement de ceux qui devraient être les garants de l’intégrité : certains cadres des institutions publiques, toutes catégories confondues, ainsi que des responsables politiques à différents niveaux. Lorsqu’ils faiblissent dans leur rôle ou, pire, s’impliquent dans des pratiques contraires à l’éthique, ils fragilisent la crédibilité des dispositifs de lutte contre la corruption et le blanchiment.
La société civile, quant à elle, porte également une part importante de responsabilité. Elle doit jouer pleinement son rôle de contre-pouvoir et de vigie citoyenne. Toutefois, une partie de cette société reste fragilisée, parfois instrumentalisée par des logiques politico-financières qui exploitent la précarité sociale. Renforcer son autonomie et lui donner les moyens d’agir est donc essentiel pour qu’elle puisse remplir efficacement sa mission. Car une société civile forte et indépendante demeure l’un des remparts les plus solides contre la corruption et le blanchiment.
L’avenir de la lutte contre ce « virus » qu’est le blanchiment d’argent et la corruption dépendra donc d’une triple dynamique : la fermeté des institutions, la probité des responsables politiques et l’implication renforcée de la société civile, notamment à travers ses organisations (ONG, associations, collectifs). Seule une synergie réelle entre ces acteurs permettra de construire un environnement économique et social plus juste, transparent et durable.
Département Intégrité & Investigations de l'OMSAC
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