76e session annuelle du Comité exécutif du Haut-Commissariat aux Réfugiés : du signal d’alarme à la crise ouverte d’un système dépassé
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- il y a 6 jours
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Le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, Filippo Grandi, prononce son discours d'ouverture lors de la 76e session annuelle du Comité exécutif au Palais des Nations, à Genève.
Deux ans et demi après nos alertes répétées, le constat est aujourd’hui sans appel : le système international d’assistance aux réfugiés est entré dans une phase critique. Sous la direction de Filippo Grandi, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), pilier historique de la protection humanitaire, connaît la plus grave crise budgétaire et structurelle de son histoire récente. Les choix de gouvernance et la gestion interne menés durant son mandat suscitent de profondes interrogations sur la capacité du HCR à remplir efficacement son mandat de protection et d’assistance aux réfugiés dans un contexte mondial en mutation rapide.
Ce rapport établit la continuité directe entre les avertissements publiés par l’OMSAC en avril 2023 (Tunisie : la crise des migrants devant le HCR, premiers signaux d’un effondrement annoncé du système humanitaire international) et la situation catastrophique révélée le 7 octobre 2025, marquée par des suppressions massives de postes, un effondrement financier et une perte de capacité opérationnelle à l’échelle mondiale.
Rappel du rapport OMSAC – Avril 2023 : les prémices d’une dégradation
Dans son rapport d’avril 2023, l’OMSAC avait documenté la situation dramatique des migrants subsahariens en Tunisie, chassés des villes et installés devant le siège du HCR à Tunis.Nos enquêteurs avaient mis en lumière une crise administrative et humanitaire majeure : suspension de l’examen des dossiers d’asile, tension avec les autorités locales, et perte de confiance généralisée parmi les demandeurs d’asile.
Dès 2023, nos analyses soulignaient :
la mauvaise gouvernance financière au sein du HCR ;
le risque imminent de crise budgétaire mondiale ;
la possibilité de coupes massives dans les effectifs ;
et la désagrégation du système international d’aide aux réfugiés si aucune réforme structurelle n’était engagée.
Ces avertissements n’étaient pas de simples hypothèses : ils reposaient sur des données consolidées, issues de notre Département Intégrité & Investigations, démontrant la dérive d’un modèle dépendant quasi exclusivement de quelques bailleurs, notamment les États-Unis et l’Union européenne.
Constat actuel – Octobre 2025 : le scénario de l’effondrement
Le 7 octobre 2025, le Haut-Commissaire Filippo Grandi a reconnu publiquement que près de 5 000 employés du HCR avaient perdu leur poste depuis le début de l’année, soit plus d’un quart des effectifs mondiaux.Ces suppressions interviennent dans un contexte de chute brutale du financement international, accentuée par :
le retrait partiel des États-Unis, qui assuraient plus de 40 % du budget de l’agence ;
les restrictions budgétaires en Europe ;
et la multiplication des crises humanitaires régionales (Sahel, Ukraine, Moyen-Orient, Asie centrale).
Le budget 2025 du HCR, fixé à 10,6 milliards de dollars, n’a été financé qu’à hauteur d’environ 3,9 milliards de dollars, soit une perte de 1,3 milliard par rapport à 2024.Cette contraction historique contraint le HCR à suspendre ou réduire plusieurs programmes essentiels :
aide alimentaire et soins d’urgence ;
appui psychosocial pour les survivants de torture ;
assistance aux réfugiés urbains et soutien aux enfants déplacés.
Le Haut-Commissariat fait aujourd’hui face à une crise de confiance généralisée, aussi bien de la part de ses partenaires humanitaires que des gouvernements d’accueil et des populations réfugiées.
Analyse OMSAC : la matérialisation d’un effondrement prévisible
L’OMSAC constate que les dérives constatées depuis 2023 ont désormais atteint un point de rupture systémique.L’effondrement du HCR n’est pas une conséquence ponctuelle d’un manque de financement, mais le résultat d’un modèle de gouvernance dépassé et d’une dépendance excessive à la volonté politique des États donateurs.
Nos enquêtes révèlent :
Une opacité persistante dans la gestion budgétaire et les flux financiers entre le siège du HCR et ses bureaux régionaux.
Une absence de mécanismes de transparence et de reddition de comptes à l’égard des bénéficiaires finaux.
Une désorganisation interne aggravée par les suppressions de postes, affectant directement les opérations de terrain.
Une érosion morale et professionnelle au sein du personnel humanitaire, confronté à la perte de sens et de moyens.
Ces éléments confirment les prédictions formulées par l’OMSAC en 2023 : le système international d’assistance humanitaire est en voie de délitement, miné par les contradictions entre ses idéaux et ses pratiques.
Conséquences et risques à moyen terme
Explosion des besoins non couverts pour plus de 120 millions de personnes déplacées dans le monde.
Effondrement de la confiance des populations réfugiées envers les institutions internationales.
Multiplication des crises secondaires (violences, traite, exploitation, radicalisation).
Renforcement des réseaux mafieux transnationaux, déjà identifiés par l’OMSAC comme profitant du vide humanitaire et institutionnel.
Recommandations de l’OMSAC
Face à cette crise systémique, l’OMSAC appelle à :
Une réforme structurelle du modèle de gouvernance du HCR, fondée sur la transparence, la traçabilité et la responsabilité financière.
La création d’un mécanisme indépendant d’audit humanitaire international, piloté par une instance interinstitutionnelle incluant la société civile.
La diversification des sources de financement, pour réduire la dépendance vis-à-vis de quelques grands donateurs.
La reconstruction d’un modèle de solidarité mondiale, centré sur la dignité, la prévention et la durabilité.
Conclusion
Le drame qui se joue aujourd’hui n’est pas une fatalité, mais le résultat d’une inertie collective. L’OMSAC réaffirme sa position : sans réforme profonde du système humanitaire mondial, la solidarité internationale continuera de se transformer en façade morale masquant un effondrement éthique et institutionnel.
Il est encore temps d’agir – mais il faut le faire avec courage, transparence et responsabilité.
Département presse & médias de l'OMSAC
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